Yann :
Je te partage l’extrait d’une interview de Enki Bilal dans le revue “Papiers” de France culture.
ça fait écho pour moi avec nos échanges mais cela met en lumière une autre forme d’intelligence collective. Qui renvoie à ce que le produit de l’IC soit individuel mais une conséquence de la dynamique collective. C’est plus qu’une réalisation de projet avec séparation/répartition des tâches. Cela résonne aussi fort pour au sujet de ton exemple en jazz avec cette note incroyable qui est la réponse individuelle à un objet mis en partage (la fausse note).
J’essaie de prendre le temps pour te préciser ce “niveau” ou possible qui vient compléter l’idée d’inédit collectif que l’on a pour l’instant positionner comme central.
A suivre
Extrait d’une interview de Enki Bilal dans le revue “Papiers” de France Culture
« PC
Alors cette générosité va prendre forme avec vos premières bandes dessinées,[…]… comment vous vous répartissiez vous les tâches ? Est-ce que vous travaillez ensemble tant au niveau technique qu’au niveau artistique ?
EB
Pierre s’adapte chaque fois aux dessinateurs avec lesquels il travaille. On a trouvé assez vite nos repères. Je lui dis que je n’ai pas envie d’avoir trop d’indications de mise en scène, j’en souhaite même le moins possible. Pierre n’est pas pour le dirigisme de certains scénaristes qui indiquent tel premier plan, tel personnage, etc. La mise en scène, c’est le dessinateur qui la fait, donc il faut qu’il se sente libre. Lui écrit les dialogues, évidemment il donne des indications sur l’action. C’est limpide, pas loin d’un script de cinéma, et en fin de compte les choses se mettent en place. Je me sens libre. La discussion se passe ensuite avec les planches que je lui montre, qui ne sont pas forcément terminées. Je me rends compte aussi que Pierre se sert de certaines libertés que je peux prendre avec l’histoire pour rebondir aussi. Ce qui est intéressant, c’est qu’on a le sentiment tous les deux que notre création est vivante tout au long du processus. elle n’est pas figée par une espèce de méthode trop rigoureuse. il y a cette possibilité de respirer pour chacun de nous deux, donc, ça, c’est très important. »
*
Marc :
Intéressant, l’extrait de cette interview, et que tu évoques que le produit de l’IC peut être aussi individuel… même si je pense qu’il est aussi collectif dans ce qui évoqué par EB
Dans ce que j’écrivais au début de la semaine, il y avait une réflexion similaire
Voir : https://intelligencecollective.org/app-et-ic/
« Tout d’abord, il m’apparaît que l’intelligence collective au sein d’un groupe d’APP correspond plus particulièrement à une (ou on pourrait dire deux) formes spécifiques de l’intelligence collective : émergence de nouvelles perspectives
- a) au niveau individuel (l’individu tire bénéfice de l’IC pour faire émerger pour lui de l’inédit, mais qui ne sera pas nécessairement partagé)
et
b) au niveau collectif (l’inédit correspond à l’émergence pour le collectif de nouvelles perspectives partagées et construites collectivement) »
[…]
« Pour l’exposant, cela a fait émerger beaucoup de nouvelles compréhensions.
Une partie des participants a exprimé à la fin, au moment du bilan des vécus et apprentissages aussi de nouvelles compréhensions qui ont émergé pour eux.
Je dirais cependant que le produit de l’intelligence collective a été surtout opérant et visible pour la compréhension de l’exposant… davantage que pour les membres du groupe. »
*
On est dans un format de dyade apparemment, entre deux individus, un scénariste et un dessinateur. Format dont on pourra peut-être une fois identifier les différences et similitudes avec celui d’un groupe…
Ce que je perçois dans cet extrait, c’est trois choses surtout :
-le rebond entre les productions individuelles (de l’un à l’autre)
-la liberté (qu’ils se donnent mutuellement et que chacun prend)
-et l’aspect vivant de la création tout au long du processus (avec j’imagine le côté évolutif)
J’associe facilement le rebond avec ce que nous avons déjà évoqué et la circulation de la parole en groupe, essentiel pour que l’inédit puisse émerger
J’associe volontiers aussi la liberté avec l’authenticité dans la communication (qui implique une éthique de l’altérité et ouverture et confiance notamment)
L’aspect vivant va de pair avec l’émergence pour nous, qui concerne autant la production que le processus
Le lien que tu fais avec l’exemple de ce témoignage sur ce moment en jazz avec cette note incroyable qui est la réponse individuelle à un objet mis en partage (la fausse note) est intéressant. Il évoque pour moi à la fois un rebond et une forme d’écoute générative (voir les niveaux d’écoute https://intelligencecollective.org/niveaux-decoute/) et de co créativité (voir ma sixième dynamique d’IC) qui permet de faire émerger une nouvelle production collective,
Ce qui n’apparaît pas très clairement dans cet extrait, c’est la co construction, le dialogue entre les deux. On sait juste que :
La discussion se passe ensuite avec les planches que je lui montre, qui ne sont pas forcément terminées
C’est là pour moi que ce serait intéressant d’en savoir plus, sinon, on aurait, à mon sens, davantage l’énoncé d’éléments « conditions de base » qu’un témoignage sur les processus et la dynamique d’IC
A suivre…