Marc Thiébaud
Le travail en intelligence collective, comme la coopération de manière plus générale, s’appuie non seulement sur des processus de communication et des dynamiques collectives, mais également sur les individus, leurs compétences, leurs ressources, leur implication, etc.
Parmi les éléments facilitateurs d’intelligence collective, on peut donc considérer certaines dispositions individuelles.
On peut mentionner notamment, en vrac :
- La capacité à maintenir une attention soutenue à ce qui se passe dans le groupe, tant en termes de contenus que de processus.
- La capacité à vivre le processus dans le présent, en suivant pas à pas ce qui émerge dans le groupe, sans être (trop) enclin à viser un résultat prédéterminé… tout en ayant à l’esprit, en toile de fond, les intentions, le sens du travail collectif qui est effectué
- La capacité à mettre en lien ce qui se passe dans le groupe, ce qui est produit, à plusieurs niveaux, au fur et à mesure de l’évolution du travail collectif
- Une perception globale, avec une capacité à élargir l’espace d’attention, à accueillir, dans son champ de conscience plusieurs éléments simultanément sans chercher à les réduire, ou à les définir de manière trop “fermée”, de manière à laisser du “jeu” dans les représentations et leur partage
- Un équilibre (éventuellement avec une dynamique d’alternance) entre : attention ouverte, flottante et appréhension de ce qui peut être identifié, approfondi, développé, structuré dans le dialogue
- Une aisance avec les ambiguïtés, les paradoxes tant au niveau du contenu qu’au niveau des processus (accepter de cheminer sans savoir exactement où l’on est et où l’on va)
- Un esprit joueur, flexible, capable de rebondir avec tout ce qui se passe… sans être tendu, sans avoir besoin de “contrôler”
- Une capacité à s’impliquer, à partager ses vécus, ses prises de conscience, ses émotions, ses réflexions, ses doutes, ses interrogations, avec ses vulnérabilités
- Une capacité d’observation
- Une capacité à lire “en creux”, à percevoir qui n’est pas dit, abordé
- Une capacité à laisser infuser, cohabiter différentes idées, réflexions, à différents niveaux
- Une curiosité, une ouverture à apprendre, à questionner, à explorer d’autre niveaux, d’autres points de vue
- Une capacité à se questionner, à se remettre en question, à douter, à se confronter à différentes perspectives (dans le conflit socio-cognitif)
- Une capacité à être en introspection, à ressentir qui se passe en soi, comme chez les autres et dans l’espace du groupe
- Une aisance avec de multiples registres (cognitif, affectif, conatif, proprioceptif, sensorimoteur, etc.
- Une capacité à se laisser surprendre, à s’émerveiller
- Une confiance en soi et dans les autres membres du groupe… qui aide à communiquer avec authenticité, à partager ses idées sans se censurer, à prendre des risques
- Une croyance confiante dans les potentiels d’émergence d’inédit qui peuvent se révéler à tout moment
- De l’empathie, une capacité à écouter dans tous les registres, à se décentrer, à ne pas projeter ses jugements, à accueillir la différence, à s’intéresser à d’autres points de vue, d’autres vécus, etc.
- Une capacité à accéder à l’écoute générative, à percevoir dans l’espace du groupe des potentialités, des ouvertures, de nouveaux chemins susceptibles d’être explorés
- Une capacité à organiser sa pensée, à différencier des niveaux, à catégoriser et « jouer » avec les catégorisations, à synthétiser, etc.
- Une capacité à développer une pensée multi réfléchie
- Des compétences créatives du type associer des idées, déplacer la perspective (pensée latérale), sortir du cadre, penser par analogie, métaphore, à voir des isomorphismes, des parallèles, etc.
- De la persévérance, pour approfondir des réflexions, chercher d’autres angles de vue, poursuivre l’effort sans se décourager ni se laisser prendre par des distractions inutiles
- Une capacité à aller vers la rencontre, à être en lien, dans la réciprocité, dans la mutualisation, dans la fécondation mutuelle
- Un accueil chaleureux de l’autre, avec tout ce qu’il est et ce qu’il apporte, avec la croyance qu’il est source de richesse, d’altérité précieuse
- Une capacité à laisser de côté ses présuppositions, à suspendre le jugement, à ne pas prendre « ses vérités » pour des absolus, à se souvenir que nos perceptions sont toujours des filtres et que « la » réalité est une (co)construction
- Une aisance dans la coopération, les corégulations, la cocréativité, etc.
- Une capacité à problématiser, se donner des défis, etc.
- Une présence, un état de disponibilité
Bien sûr, ces dispositions individuelles, facilitatrices d’un travail en intelligence collective ne sont pas toujours activées…
Selon le contexte, le moment, les processus de groupe, etc., elles peuvent rester en partie à l’état potentiel.
La dynamique d’inclusion aide à valoriser les ressources individuelles, dans la mesure où elle permet à toutes les personnes de se sentir faire partie du groupe, d’où qu’elles viennent, quoi qu’elles vivent, quel que soit le registre préférentiel dans lequel elles s’expriment.