Dans nos écrits :
Dans mon article sur les six dynamiques d’IC observés dans les groupes d’APP, j’ai mis l’accent plutôt sur la manière dont se manifeste l’intelligence collective à différents moments et, de manière très partielle, sur les capacités collectives que cela révèle.
Dans l’article que tu as rédigé pour la revue en 2018, Yann, tu évoques aussi des dynamiques, particulièrement en lien avec la communication, et des capacités, plutôt sous l’angle des individus. Tu t’intéresses également à un aspect évolutif de ces capacités.
Dans notre article introductif au numéro paru dans la revue en 2018, nous évoquons aussi ce qui pourrait être considéré comme des « conditions de base » : constitution du collectif, écoute dans le groupe, réciprocité entre les participants, reconnaissance de l’autre dans sa subjectivité et sa différence, etc. Nous mentionnons aussi brièvement des facteurs tels que : participation libre ou contrainte, choix des participants (coopté ou imposé), présence ou non d’un contenant groupal, histoire du collectif, stabilité ou instabilité du groupe ainsi que ce qui a trait au contexte (organisationnelle/institutionnel).
Nous y évoquons aussi les phases d’évolution du groupe.
Pour la suite :
Dans mes expériences actuelles, je prends de plus en plus conscience que la question des capacités (individuelle comme collective) pourrait être une porte d’entrée, une manière d’approcher l’intelligence collective à développer. Cela peut concerner l’identification de certaines capacités essentielles comme la mise en évidence de différents niveaux de développement de ces capacités… avec la question de savoir quelles capacités chaque participant devrait éventuellement développer par rapport aux capacités dont le collectif ensemble aurait besoin (mais qui ne seraient pas présentes chez tous les individus d’égale manière. Ces capacités sont évidemment en interaction.
Les différents dynamiques sont également en interaction comme je l’ai évoqué dans mon texte.
Dynamiques et capacités entretiennent un lien étroit pour moi, mais que je n’ai pas explicité et clarifier dans mon écrit. Par dynamique, j’entends les processus d’IC, phénomène qui peut être observé. Par capacités, j’entends les ressources mobilisées dans ces processus et les ressources construites à travers ses processus (qui serviront pour amplifier les dynamiques par la suite voire engendrer/catalyser d’autres dynamiques.
À noter que ces capacités peuvent être plus ou moins inconscientes ou conscientes et plus ou moins implicites ou explicites.
Je pense aussi que l’aspect évolutif gagnerait à être davantage travaillé, et ce sous deux angles :
- Quelles successions, quels déroulements de processus, quel ordre, quels agencements, quelles combinaisons, imbrications peuvent être observées sur une séance par exemple dans le groupe qui développe l’IC ?
- Quelles étapes, quelles phases d’évolution dans la durée, sur plusieurs séances (voir par exemple les phases d’évolution d’un groupe qui ont été bien étudiées) ?
Je constate aussi que la question de la facilitation gagnerait à être travaillée : qu’est-ce qui peut venir faciliter le développement de compétences individuelles et collectives en IC et les évolutions vers des dynamiques caractérisées de plus en plus par de l’intelligence collective ?
Je tente un schéma simplifié pour mettre cela en perspective

De multiples flèches pourraient être dessinées, entre les différentes capacités individuelles des individus constituant le collectif, entre les différentes capacités collectives, entre les capacités individuelles et les capacités collectives, etc.
De même, les différents dynamiques d’IC sont en interaction, elles peuvent être vues comme une tresse d’IC.
Et compétences (individuelles et collectives) et dynamiques d’IC sont en interaction de multiples manières…
Par ailleurs, le processus évolutif n’est pas continu, la flèche pourrait être destinée en discontinu… et elle peut concerner à la fois différentes capacités, différents dynamiques, et l’ensemble…
Les facteurs/processus facilitant de même peuvent avoir de multiples influences sur différents aspects et à différents niveaux… à développer…
En reprenant l’image de l’échelle apportée par Yann que nous avons discutée :

On peut imaginer plusieurs échelles imbriquées en tresse pour signifier que chaque « montant est constitué par de multiples capacités et chaque « marche » également.
Par ailleurs, les dynamiques développées aident à « faire monter » l’échelle plus haut en favorisant l’émergence / la co-construction de nouvelles capacités (individuelles et collectives) = aident à « élever les montants ».
La perspective évolutive apparaît dans les différents échelons… qui se développent progressivement… et qui permettent d’aller symboliquement vers davantage d’IC (autrement dit, vers des dynamiques plus riches, donc une IC plus constructive et productive).
Dans un travail collectif, l’échelle n’est cependant pas toujours dressée de la même manière, elle peut être vue comme horizontale par moments, autrement dit, les capacités et les dynamiques, à différents degrés, sont en état de potentialités et ne sont pas toujours activées/mobilisées.
PS.
J’avais évoqué d’une certaine manière ces aspects dans la dernière partie de mon texte sur les 6 dynamiques d’intelligence collective (Thiébaud, 2018). Il pourrait être intéressant que je reprenne et étoffe un peu cela…
Extrait :
“Chaque dynamique produit de l’inédit qui devient, d’une certaine manière, une ressource, un acquis pour le développement de l’intelligence dans le collectif.
Ainsi, dans la dynamique de développement d’un sens collectif par rapport à l’APP, le construit (sens non programmé au départ) devient porteur de potentialités pour d’autres formes d’intelligence collective : par exemple, le groupe peut se référer au sens partagé pour réguler son fonctionnement. Il en va de même pour les autres dynamiques : le partage de sens favorise l’élaboration concertée d’un focus commun ; l’ouverture et le questionnement personnels facilitent la reliance et des mises en lien multiples ; les autorégulations dans le groupe permettent de stimuler l’ouverture et la confiance dans le collectif, comme elles sont facilitées par ces dernières ; etc. Dans cette perspective, on peut considérer que chaque dynamique s’appuie sur l’autre. Elles se renforcent mutuellement, à l’image des processus de coopération modélisés par Thiébaud et Bichsel (2015).
Chaque forme d’intelligence collective, à mesure qu’elle se développe, produit des apprentissages concernant le fonctionnement en collectif.
Ceux-ci sont plus ou moins tacites ou explicites. Ainsi, des participants expriment qu’ils ont le sentiment d’être «de plus en plus conscient de l’intelligence collective présente dans le groupe » et que « c’est par la pratique que notre intelligence de groupe croît. » Ces apprentissages expérientiels stimulent en retour le développement des différentes dynamiques d’intelligence collective.”
Références citées
Thiébaud, M. (2018). Intelligence collective et analyse de pratiques en groupe : six dynamiques mobilisées. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 13, pp. 18-38. http://www.analysedepratique.org/?p=3048.
Thiébaud, M. et Vacher, Y. (2018). Explorer les dynamiques d’intelligence collective en APP favorisant l’émergence de l’inédit et de plus-values qui dépassent les apports individuels. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 13, pp. 4-17. http://www.analysedepratique.org/?p=3042.
Vacher, Y. (2018). Dynamiques d’interaction et intelligence collective en APP : un regard sur la communication. In Revue de l’analyse de pratiques professionnelles, No 13, pp. 51-74. http://www.analysedepratique.org/?p=3046.
Fichier WORD en téléchargement : Conceptualisation aspects IC